En partenariat avec Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains à Tourcoing, l’ADAGP a attribué en 2020 la Révélation Art numérique – Art vidéo à l’artiste Yosra Mojtahedi pour l’ensemble de sa démarche et plus particulièrement pour l’œuvre L’Érosarbénus présentée dans l’exposition Panorama 22.
Le jury a tenu à mettre en lumière à travers cette œuvre protéiforme et dense le « face à face » homme/machine, vecteur d’une hybridation esthétique forte, qui répond à nos rapports futurs avec les mondes numériques : « Cette pièce oxymore et novatrice, qui attire et repousse, fascine et alerte, dans un baroque technologique assumé, associe soft robotique et céramique, dessin et programmation, sculpture et sensations dans un geste artistique qui émerge de l’obscurité. »
Yosra Mojtahedi est née à Téhéran en Iran où elle se questionne sur le corps, physique ou immatériel et poétique.
L’Érosarbénus est une œuvre hybride et polymorphe où nos sens, tant visuels, olfactifs que tactiles sont invités à vivre une expérience en temps réel dans une installation où l’hybridité “corps-nature-machine” apparait. En collaboration avec le laboratoire DEFROST, spécialisé dans les robots mous, des éléments – que nous retrouvons dans l’espace de l’ADAGP détachés de leur matrice – apportent un souffle de vie organique. L’ensemble de l’installation, à la sensualité surréaliste, résonne de chants interdits aux femmes en Iran et d’odeurs de roses emblématiques de la civilisation persane.
C’est cette sensualité et la présence du corps hybride, à l’androgynie végétale, qui se déploient dans le cadre de la programmation des Présentations des Révélations dans les Cimaises de l’ADAGP, sous la forme de multiples membranes (voiles de tissu et tapis imprimés, cuir charnel et métal machinique). Le récit fragmentaire d’un corps en perpétuelle mutation dans l’espace se dessine, suggéré par des transformations organiques naturelles et artificielles.
Autour d’une réflexion sur le corps représenté et reproduit, c’est toute la démarche artistique et politique de Yosra Mojtahedi qui s’offre à nous et fait ainsi écho à l’œuvre L’Érosarbénus. Un dialogue poétique s’installe entre chair de l’image, transparences et apparitions fantomatiques, sensualité des corps machiniques au repos, pour créer un corps-mémoire et proposer un temps d’appréhension ambiguë de ce corps à travers de grands formats, comme autant de paysages à traverser.
Ce travail d’échelle est aussi un élément important dans le travail de l’artiste qui ici questionne la place du regard porté sur le corps, féminin ou androgyne et ses rapports à des contextes contemporains artistiques et politiques.
Le titre Comme les nuages sur le dos des cailloux est extrait des poèmes écrits par l’artiste et vient affirmer toute la densité de sa pratique et l’intensité de son engagement à toujours imaginer des possibles hybrides.